Nous avons interviewé le Dr Jodi Pawluski, sur les questions de santé maternelle, notamment lors de la période critique dans la vie d’une mère liée à la grossesse, à l’accouchement et au post-partum.
Découvrons comment la santé mentale maternelle est un problème actuel majeur. La parole à notre expert en neurosciences, thérapeute et mère de deux enfants.
Pourquoi la santé maternelle est-elle si importante ?
Pour la majorité des nouveaux parents, la transition vers la parentalité est une expérience merveilleuse, marquée par des sentiments de joie et d’épanouissement. Cependant, un nombre important de femmes enceintes et de parents de jeunes enfants développent des maladies mentales. Ces maladies mentales ont des effets durables sur la santé maternelle, sur les interactions entre la mère et le nourrisson également sur le développement ultérieur de l’enfant. En outre, la charge financière que représentent les maladies mentales maternelles pour la société est manifeste – par exemple, au Royaume-Uni, le coût connu des problèmes de santé mentale autour de la naissance par année de naissance est de 8,1 milliards de livres sterling.
Comment la recherche améliore-t-elle les problèmes de santé maternelle ?
Les maladies mentales maternelles les plus courantes sont liées à l’anxiété et à la dépression. Des études menées à échelle mondiale indiquent qu’au moins ~8 à 12 % des femmes enceintes et des femmes ayant données naissance souffrent de troubles anxieux et qu’au moins 10 % d’entre elles sont confrontées à la dépression.
Ces taux sont stupéfiants et ce qui est encore plus troublant, est le peu d’options de traitement disponibles pour les maladies mentales maternelles. La physiologie maternelle étant en constante évolution tout au long de la grossesse et de la période post-partum, il est nécessaire d’intensifier la recherche sur la santé mentale maternelle afin de mieux cibler et traiter les maladies mentales associées.
Quelles sont les conséquences à court et moyen terme sur la vie des enfants ?
Bien sûr, la mère n’est pas seule dans sa transition vers le rôle de parent et nous devons tenir compte de la relation mère-nourrisson, en particulier lorsque la maladie mentale maternelle survient. Nous savons depuis des décennies que des facteurs précoces, tels que la dépression post-partum, peuvent affecter le développement de l’enfant.
De nombreuses recherches ont été menées sur la faà§on dont la santé mentale de la mère affecte l’enfant en développement. Nous espérons que les progrès de la recherche et des politiques nous permettront de comprendre davantage les maladies mentales maternelles et les mécanismes à l’origine de ces maladies afin d’élaborer des stratégies permettant en amont de prévenir et de traiter les problèmes de santé maternels.
C’est pourquoi l’action de la fondation BINC, se concentrant sur l’avancement de la science en matière de santé maternelle et infantile est importante.
Dans la situation actuelle de pandémie, comment pouvons-nous améliorer les conditions de santé maternelle ?
La pandémie a radicalement changé la vie des mères en particulier, car ce sont souvent elles qui dispensent les premiers soins. Nous constatons que les maladies mentales sont en constante augmentation, non seulement chez les mères, mais aussi dans la population en général.
Le stress constant de la pandémie dans nos vies est difficile à contrôler, mais une chose qui peut être utile est de se concentrer sur ce que nous pouvons contrôler dans nos foyers et dans nos vies. Se concentrer également sur ce qui est important maintenant (et non demain ou la semaine prochaine) peut aussi aider à se sentir moins accablé. J’ai entendu un jour un dicton qui dit ceci « Concentrez-vous sur la marche qui se trouve devant vous, et non sur l’escalier tout entier. » En tant que mères, c’est parfois tout ce que nous pouvons ou devons faire.
En tant que chercheuse, auriez-vous des conseils, des recommandations de santé pour les mères ?
En ce qui concerne les recommandations de santé pour les mères enceintes ou ayant donné naissance : bien manger et faire de l’exercice sont des actions qui peuvent bénéfiquement influencer notre cerveau ! Passer du temps avec des amis peut être positif pour la santé, même si cela est majoritairement virtuel actuellement.
D’ailleurs, s’il vous semble nécessaire de passer du temps seul, n’hésitez pas à le faire. Votre partenaire, un ami proche ou un membre de la famille s’occuper de vos enfants un moment, le temps que vous vous ressourciez.
Si vous ressentez des accès de colère, de l’anxiété ou de la dépression, demandez de l’aide. Il y a toujours quelqu’un qui peut vous soutenir. Postpartum Support International est un excellent point de départ.
N’oubliez pas que la santé mentale est la santé physique ne peuvent exister l’une sans l’autre.
A propos :
Jodi Pawluski est chercheur à l’Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail) de l’Université de Rennes 1, France.
Avec plus de 60 publications scientifiques à son actif, ses recherches sont régulièrement présentées lors de conférences nationales et internationales.
Ses recherches ont été soutenues par des financements telles que la Fondation pour la recherche sur le cerveau et le comportement (NARSAD 2015) et le Fonds de la recherche scientifique (Belgique) et sont actuellement financées par l’Institut des neurosciences cliniques de Rennes (INCR) et Biostime Institute For Nutrition and Care (BINC).
Ses premières recherches ont porté sur la compréhension de l’impact de la maternité sur la plasticité de l’hippocampe, la cognition et la physiologie connexe dans le cerveau maternel. Au cours de la dernière décennie, elle a élargi ce programme de recherche pour se concentrer sur la faà§on dont le stress et les médicaments antidépresseurs modifient le cerveau maternel et les comportements lors de la période périnatale.
Jodie fait partie du comité de rédaction de Archives of Women’s Mental Health (Springer), Journal of Neuroendocrinology (Wiley), Journal of Chemical Neuroanatomy (Elsevier) et Frontiers in Global Women’s Health. Elle est également membre de l’International Behavioral Neuroscience Society.
*Pour plus d’informations sur ses recherches :